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L’Irak : chaos politique, guerre civile larvée, économie en trompe l’œil

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La situation de l’Irak en 2013 n’est guère reluisante, alors que les violences intercommunautaires entre chiites et sunnites se sont gravement accentuées depuis avril. Un nouvel attentat à Mossoul hier a tué 30 personnes. Ainsi, plus de 700 personnes ont été tuées en mai, plus de 800 en avril selon l’ONU.

Cet état de guerre civile larvée s’explique par l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays. Aujourd’hui, les trois principaux groupes religieux (sunnites, chiites et kurdes, si l’on met de côté les chrétiens chaldéens, plus d’un million avant 2003, aux deux tiers expatriés aujourd’hui) sont représentés dans un gouvernement d’union national dirigé par le premier ministre chiite Nouri al-Maliki. Une coalition très fragile, qui ne tient que par le choix politique du statu quo sur toutes les grandes questions (loi sur les hydrocarbures et donc partage de la rente, statut de Kirkouk, la grande ville kurde, nouvelle constitution). La conséquence est naturelle : un Etat faible et paralysé, et donc la prolifération des groupes extrémistes violents. De plus, le retrait du président kurde Jalal Talabani, pour raisons de santé, prive la scène politique irakienne d’un modérateur précieux.

L’insécurité endémique et l’instabilité permanente empêchent le pays de connaitre un développement réel. Que l’on ne s’y trompe pas, les 10% de croissance annuelle qu’affiche ce pays de 38,2 millions d’habitants depuis 2009 ne s’expliquent que par des cours du pétrole structurellement hauts. Et pourtant, l’Irak a deux atouts essentiels pouvant permettre son développement : la manne pétrolière, bien entendu, mais aussi la décision du Club de Paris d’annuler une partie de la dette et d’en rééchelonner le restant. La dette publique irakienne ne représente aujourd’hui plus que 25% du PIB, un niveau qui laisse à Bagdad des marges de manœuvre potentiellement importantes.

L’Irak est à l’heure actuelle un pays sans aucune unité, et les intérêts des trois grands groupes ethnico-religieux divergent… La pire situation qui soit pour une démocratie donc : sans facteur d’union entre des groupes bien distincts,  la majorité est amenée à opprimer la minorité. Un échec du système.

Les sunnites (20% de la population), s’estiment lésés et opprimés par les chiites (qui, dans un système démocratique, détiennent mécaniquement plus de pouvoir qu’eux) depuis la chute de Saddam Hussein. Majoritaires dans l’ouest prospère, ils se refusent à un partage des richesses dont ils ne peuvent sortir que perdants.

Les chiites représentent 60% de la population irakienne, et sont particulièrement représentés dans l’est et le centre du pays, les régions les plus pauvres. Ils veulent, outre un repositionnement géostratégique au sein de « l’axe chiite » (Iran-Irak-Syrie-Hezbollah libanais), un pouvoir politique proportionné à leur poids démographique et un meilleur partage des fruits du pétrole (l’Irak possède les 2èmes réserves mondiales d’or noir). Notons que l’influence déstabilisatrice de l’Iran sur les leaders chiites est patente.

Enfin les kurdes (20%), sont présents au nord du pays, et leur revendication est simple : l’autonomie en droit pour le « Kurdistan irakien », puisque ils ont déjà conquis une autonomie dans les faits (qui leur permet de jouir des abondants puits de pétrole de Kirkouk)… L’objectif sous-jacent étant de parvenir à l’indépendance, bien que les implications géopolitiques d’un tel redécoupage seraient majeures (notamment vis-à-vis de la Turquie, qui parvient enfin péniblement à pacifier ses relations avec les kurdes).

Quel avenir pour l’Irak ? Partition du pays, prolongement d’un statu quo destructeur, guerre civile sont trois hypothèses possibles… A moins que les leaders des trois groupes, ou à défauts des sunnites et des chiites dans un scénario d’autonomie du Kurdistan, parviennent à résoudre au moins une partie de leurs différends, et travaillent à reconstruire un pays et à réinventer une nation.

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